Accueil / Vie de la communauté / Une lettre d’amour à Dechen Chöling – Mélanie de Groot

En découvrant Dechen Choling par le biais d’une recherche sur internet, je ne savais pas ce que serait une retraite de méditation, ni que je découvrirais un monde tout entier. Un monde où pendant une semaine nous nous sommes laissés être, dans le temps qui s’étire, le silence, les larmes et les rires. Un monde où l’on se reconnecte à plus grand que soi et où la méditation y imprime dans la chair des sagesses de carte postale, longtemps lues mais jamais comprises. On se sent bienvenue dans ces vallées du Limousin loin des côtes et des sommets. Toutes générations confondues, on y apprend vite à vivre ensemble, sans se cacher derrière des mots qui sonnent faux. Il y a des gongs et des objets lointains, des tigres furieux, des serpents aux dents crochus, des poules vengeuses, un cercle d’or au milieu d’une toile blanche, un tilleul par la fenêtre et des iris dans le jardin. Le cadre de nos méditations invite au calme et les journées sont rythmées par l’enseignement, le coussin et la marche. A Dechen Chöling, la vie semble nous révéler un peu de son mystère.

J’y venais avec beaucoup de questions, faut-il accepter ce monde violent et instable ou vouloir le changer ? Que faire quand on aime plus ? Au lieu de construire sur ce refus, j’ai appris à l’envisager autrement, à voir la souffrance comme une chance de mieux lire en moi, de ne plus se fermer à celles des autres. Méditer c’est s’arrêter pour s’ouvrir. Assise sur le coussin les yeux comme posés devant soi. La respiration ramène au corps et coupe le bavardage des pensées. De cet endroit on peut devenir familier avec ses euphories, ses fantasmes, ses hontes, ses discours en boucle, sans ne rien chercher à y redire. Le mental revient souvent à en croire mes poings crispés et ma mâchoire serrée. Regarder une flamme sur l’autel puis repartir dans la rivière de sa vie qui croise d’autres vies qui sont toutes parties de la même vie… et accepter qu’elle passe sans chercher à retenir ce que le courant a emporté depuis longtemps. Le cœur fait de la place, s’allège, encore, encore, encore … Puis peu à peu, vient le moment où l’on sent ce que c’est d’accepter totalement ce que nous sommes, ici et maintenant. En cercle, le groupe dicte son rythme. Le bonheur c’est cette absence de lutte.

Je me souviens des matins endormis à porter la Lune les bras en corbeille, des fleurs de printemps dans la brume épaisse, de la peinture qui craque et de l’odeur du sapin brûlé. Il y a les repas pris face à face et les prières récitées devant nos bols fumants. Le gong émet ses syllabes qui rayonnent et des losanges de soleil balayent le plancher d’est en ouest. Dans les sentiers, on laisse tout cela infuser. Je me souviens que sous mes pas dans les herbes hautes, deux faisans s’échappent. Je m’allonge au milieu des clochettes et boutons d’or. La pluie mouille mes habits mais le soleil est chaud derrière les nuages. Concert de grenouilles et d’oiseaux. Je pense à ce que je vois mais surtout à ce que je ne vois pas. Je revois le visage d’autres qui s’illumine et qui me rappelle que les gens sont tant de choses à la fois. Je me souviens d’une joie immense qui ne laisse place à aucune solitude.

« De ma vase sont sorties des fleurs » dit I. au moment de se dire aurevoir… A Dechen Choling, j’ai le sentiment d’avoir vécu une expérience sociale forte qui a le pouvoir de nous changer pour vivre mieux. Le bonheur n’est pas si lointain quand l’ego ne se dresse plus entre nous. J’ai trouvé beaucoup de réponses qui n’en sont pas toujours. J’ai appris que parfois ne pas chercher de réponse est une réponse et qu’on rajoute beaucoup de  souffrance à nos souffrances comme un gâteau avec trop de crème. Aujourd’hui je sais qu’ouvrir son coeur est la seule manière de vivre. Dans la Vienne, je laisse ma peur de l’autre, ma peur d’être en fait différente de ce que je pensais être.

Merci à notre enseignante Catherine qui m’a inspiré ces quelques lignes. Merci d’avoir été cette guide si contagieuse, d’avoir su te montrer vulnérable, de nous avoir dit j’ai peur mais j’y vais quand même. Merci à ce lieu magique. En espérant qu’il vive longtemps et qu’il vienne à beaucoup d’autres l’envie de s’y rencontrer soi-même. Dechen Choling est un cadeau que l’on se fait à soi, le plus beau des voyages.